Quelle est la différence entre les Suisses et les Français? Les Suisses voient à long terme, pas les Français! Nos régulières catastrophes routières le prouvent.

Heureusement que les Suisses ont voté NON à la dernière votation sur leur adhésion à l'Union Européenne!

Messieurs Gayssot, et autres "commissaires" aux transports de la CEE, bougez vous le cul!

C'est maintenant qu'il faut réagir et organiser les transports différemment. Pas dans 20 ans, quand il sera trop tard... Et ne dites pas que c'est trop cher, les Suisses nous montrent ou il faut prendre l'argent; chez les responsables de la pollution, des accidents, des encombrements, des nuisances...

 

Suisse

Les routiers vont payer pour le rail

 

Depuis le 1er janvier 2001, les véhicules de plus de 3,8 tonnes circulant en Suisse sont assujettis à une redevance kilométrique destinée à diviser par deux le trafic routier dans les dix ans à venir

Le prix à payer pour sauver les Alpes et assurer le financement d'infrastructures ferroviaires.

Depuis le début de l'année, tous les véhicules de plus de 3,8 tonnes, qu'ils soient étrangers ou suisses, qu'ils assurent un trafic local ou de transit, sont assujettis à la « redevance sur le trafic des poids-lourds liée aux prestations » (ou RPLP), fondée sur le principe du pollueur-payeur. Et le « non » massif de la Suisse à l'Europe (votation du 4 mars) n'y changera rien. Bien au contraire, ce rejet garantit, en quelque sorte, que le programme mis en place par nos voisins pour diminuer l'importance de la route sera respecté.

L'origine de la RPLP remonte au 20 février 1994 lorsque les Suisses, inquiets des nuisances dues au trafic routier de marchandises, ont, par le jeu du droit d'initiative qui donnent aux ressortissants helvétiques la possibilité de demander une modification de la constitution fédérale sur tel ou tel point, massivement adhéré à l'« initiative populaire fédérale pour la protection des régions alpines contre le trafic de transit », dite «Initiative des Alpes ». Depuis ce vote, la constitution fédérale suisse comporte un article sur la protection des Alpes, que le Parlement et le Conseil fédéral (gouvernement) sont tenus de mettre en application.

Cet article énonce clairement que « les marchandises transitant d'une frontière à l'autre à travers les Alpes sont transportées par rail » et que « la capacité des routes de transit dans les relions alpines ne doit pas être augmentée ». En fait, la Suisse s'était déjà implicitement dirigée dans cette voie en votant massivement, le 27 septembre 1992, en faveur des nouvelles lignes ferroviaires à travers les Alpes (NLFA), projet qui préconisait notamment la construction de deux nouveaux tunnels de base ferroviaires sous le Lotschberg et le St-Gothard. Longs respectivement de 34,6 km et de 56,9 km, ceux-ci sont actuellement en cours de réalisation, leur mise en service étant prévue à l'horizon 2006-2007 pour le premier et 2010-2011 pour le second. Leur financement, estimé à 13,6 milliards de CHF est inclus depuis 1998 dans un paquet financier de 30 milliards regroupant les grands projets ferroviaires suisses (Rail 2000, NLFA, raccordement de la Suisse orientale et occidentale au réseau européen à grande vitesse, amélioration de la protection contre le bruit). Ce montage, qui doit répondre aux dépenses à engager ces vingt prochaines années, repose en partie sur la constitution d'un fonds essentiellement alimenté par une taxe sur les hydrocarbures (environ 10 %), une ponction de 0,1 % sur la TVA (environ 20 %) et une redevance sur le trafic des poids-lourds (environ 55 %). L'introduction de cette redevance sur les poids-lourds (la fameuse RPLP), dont le principe a été accepté par votation le 27 septembre 1998, a été au coeur des discussions qui ont conduit au nouvel accord bilatéral sur les transports terrestres conclu le 21 juin 1999 entre la Suisse et l'Union européenne.

Il était en effet primordial pour la Suisse que ses voisins adhérent à sa politique des transports écologique et reconnaissent explicitement les buts et les moyens de celle-ci. D'où la philosophie du nouveau traité qui, en compensation de la perception de la RPLP assouplit la législation suisse relative à l'admission des poids-lourds sur le territoire helvéte par une augmentation progressive de leur tonnage et une redevance modulée. Il a été décidé ainsi de repousser la limite des 28 tonnes, en vigueur depuis 1968, à 34 tonnes au 1er janvier 2001 et à 40 tonnes (maximum autorisé en Europe) au 1er janvier 2005. En attendant cette dernière échéance, des contingents annuels de 40 tonnes sont accordés aux transporteurs suisses et étrangers à hauteur de 300 000 véhicules en 2001 et de 400 000 pour chacune des trois années suivantes. Par contre, l'interdiction de rouler la nuit de 22 h à 5 h et le dimanche est maintenue.

Toujours au 1er janvier de cette année, la redevance uniforme de 40 CHF perçue jusqu'alors a laissé la place à la RPLP calculée en fonction du nombre de kilomètres parcourus, du tonnage du véhicule et de leur niveau de pollution. Exemple, un poids-lourd de 34 tonnes affichant un niveau de pollution correspondant à l'échelon 3 et traversant la Suisse du nord au sud, de Bâle à Chiasso (300 km), paie désormais 144,84 CHF (34 x 300 x 1,42). Afin d'éviter toute discrimination, la RPLP porte indifféremment sur les véhicules suisses et étrangers. Cependant, certains sont taxés selon des taux forfaitaires annuels, comme les autocars (3 200 CHF/an pour un tonnage supérieur à 18 tonnes), ou exemptés comme les véhicules militaires, de police, agricoles, etc. Sa perception incombe à la Douane suisse. Pour ce faire, tous les véhicules immatriculés en Suisse ont été dotés d'un appareil électronique de saisie. Les véhicules étrangers peuvent opter pour cet appareil ou recourir à une carte d'identification (ID) que les chauffeurs doivent valider auprès de terminaux de traitement RPLP à leur entrée et sortie du territoire.

La mise en vigueur de ces mesures s'est aussitôt traduite par... plus de camions sur les routes et une diminution (conjoncturelle ?) du trafic de l'opérateur intermodal international Hupac ! Un phénomène prévisible en raison de l'augmentation du tonnage autorisé qui, du coup, rend plus intéressant, pour le transit Nord - Sud, un passage par la Suisse que par la France ou l'Autriche, la RPLP restant malgré tout moins onéreuse que les frais à engager pour gagner en périphérie le tunnel routier du Mont-Cenis ou le col du Brenner. Ce qui n'émeut pas outre mesure les autorités suisses habituées à raisonner à long terme et partant du principe que, redevance ou pas, le trafic routier est appelé à croître ces prochaines années. Cet axiome posé, il suffit de ne retenir que les aspects positifs de la nouvelle donne, à savoir qu'il est préférable d'avoir sur les routes un poids-lourd de 40 tonnes que deux de 28 tonnes et que leur passage assure dans l'immédiat la plus grande partie du financement des deux tunnels ferroviaires. Sans oublier la pénalisation des moteurs les plus polluants, une mesure qui ne peut qu'inciter les transporteurs à renouveler leur flotte.

Mais cette augmentation du trafic routier n'est que temporaire. L'ouverture du tunnel de base du Lotschberg en 2006-2007 devrait, en effet, marquer un premier coup d'arrêt. Associée à partir de cette date à une hausse progressive de la RPLP (jusqu'à 325 CHF pour la course d'un 40 tonnes de Bâle à Chiasso, soit huit fois plus que le forfait journalier de 40 CHF en vigueur jusqu'à l'année dernière), elle devrait même permettre, d'ici à 2009, de diviser le trafic routier par deux et de le ramener de 1,3 million de véhicules/an à 650 000...

Reste que si l'initiative suisse est suivie de près par l'Allemagne, l'Autriche, le Liechtenstein, les Pays-Bas et la Suède - autant de pays intéressés par la redevance kilométrique -, elle ne réjouit pas tout le monde. Les routiers du nord de l'Italie, de Côme et de Lombardie notamment, ont été les premiers à s'élever contre la RPLP. Le mouvement est conduit par la section locale de la Federazione Autotrasportati ltaliani (FAI). Non contents de s'en prendre à la redevance, ils revendiquent en outre la levée de l'interdiction de circuler la nuit. Leurs actions de protestation de juin et septembre 2000 n'ayant pas été cautionnées par le gouvernement italien, ils menacent de recourir à des méthodes plus radicales comme le démontage de l'appareil électronique de saisie des données. La redevance est également contestée en Suisse même où la section tessinoise de l'association suisse des transports routiers (Astag) partage le point de vue de la FAI. D'ailleurs, les deux organisations espéraient bien que la mise en place de la RPLP soit la source d'un chaos sans nom du côté de la douane de Chiasso pour mener des opérations de blocage en guise de protestation. En vain.

Bruno CARRIÉRE

 

Trois niveaux de pollution correspondant à autant de catégories d'émissions sont pris en compte : la n° 1 (équivalente à Euro 0) est taxée à raison de 2 centimes du km ; la n° 2 (Euro 1) à 1,68 c/km ; la n° 3 (Euro 2) à 1,42 c/km.

La Vie du Rail - 21 mars 2001